Joséphine et Julie, trois ans, ont une mission : aller chercher une copine pour faire de la gymnastique. Ce vendredi matin, l’heureuse élue sera Odette Perrin, quatre-vingt-douze printemps. 

Depuis les années 2000, la résidence de l’Abbaye de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) accueille aussi bien les personnes très âgées que les très jeunes. Une joyeuse cohabitation qui fait de cet Ehpad « un lieu de vie plutôt qu’un lieu où on vient finir sa vie », selon les mots de la responsable de sa crèche, Anne-Sophie Bauchard. 

De 18 mois à 104 ans 

Dans ce vaste Ehpad de 200 chambres, un drôle de convoi rompt la quiétude des lieux. Une dizaine d’enfants, âgés de dix-huit mois à trois ans, tiennent fermement un bout de tissus et transitent de leur crèche à la salle de sport, en passant par les parties communes inondées de lumière. 

Chantant en chœur une comptine, le pedibus rappelle qu’ici nous sommes dans un établissement d’un genre un peu particulier. Au 10A quai de Beaubourg, la résidence est « plus qu’un Ehpad », martèle Sylvain Berrios, le maire LR de Saint-Maur-des-Fossés. 

En effet, depuis la restructuration de l’établissement inauguré en 1969, une crèche a pris place au cœur de la résidence. La structure compte quatorze berceaux, réservés aux habitants de la commune. 

« Je n’ai pas de petit-enfant alors j’en profite ! »

Odette Perrin connaît bien la structure appartenant au groupe intercommunal ABCD. « J’habite à Saint-Maur-des-Fossés depuis soixante-dix ans. Ma belle-mère était à la résidence de l’Abbaye, j’ai accompagné les personnes qui n’avaient pas de famille lorsque j’étais jeune et ma fille a travaillé ici », se souvient la fringante nonagénaire aujourd’hui résidente. 

Assise sur son déambulateur, elle observe les petits juchés sur des agrès miniatures. « C’est formidable de les voir ! Ça change de l’ambiance avec les personnes âgées. Je n’ai pas de petit-enfant alors j’en profite ! », livre-t-elle avec une joie non dissimulée. 

« Ça me procure beaucoup de plaisir », glisse-t-elle alors qu’une petite fille vient lui taper dans la main après avoir accompli avec succès son parcours. 

Des bienfaits pour les petits et les aînés

Les aînés peuvent prendre part aux activités avec les enfants. Ils peuvent raconter des histoires, chanter des comptines, assister au goûter dansant du jeudi ou tout simplement partager un déjeuner… Autant d’interactions qui offrent des bénéfices pour les deux générations. 

Quand les personnes âgées arrivent en Ehpad, c’est pour qu’on prenne soin d’eux. Or durant les repas par exemple, quand les enfants partagent la table des aînés, les rôles s’inversent. Les résidents doivent aider les petits, leur couper leur viande, leur donner un bout de pain… C’est satisfaisant pour eux.

En dix ans, la responsable de crèche et infirmière puéricultrice a glané de nombreuses anecdotes. « Je me souviens du jour où une résidente a dû se résigner à utiliser un déambulateur. Moralement, c’était compliqué pour elle jusqu’à ce qu’elle croise un enfant de la crèche. Il a couru vers elle en lui lançant ‘Wow, moi aussi j’ai un vélo rouge !’ Elle est partie dans un éclat de rire. Avec ses mots et sa spontanéité, le petit garçon avait dédramatisé la situation« , rembobine Anne-Sophie Bauchard. 

« Les petits n’ont pas de préjugés » 

« On a toujours à l’idée que les troubles cognitifs font peur, mais un enfant de 18 mois s’il voit une personne lui sourire et être attentionnée avec lui, c’est tout ce qu’il retiendra », abonde de son côté Pascal Champvert, directeur des établissements ABCD dont la résidence de l’Abbaye fait partie. « Les petits n’ont pas de préjugés, croiser des personnes en situation de handicap, en fauteuil roulant… Ce n’est pas un sujet pour eux », ajoute-t-il. 

« Pour les enfants, c’est une chance d’être aux côtés de personnes âgées qui n’ont d’autre choix que d’aller lentement. Ça les aide à se concentrer, à prendre leur temps alors qu’au quotidien ils sont avec des parents qui courent toute la journée », précise le chef d’établissement. 

Un Ehpad tourné vers l’extérieur 

Outre la crèche, la résidence comprend également un salon de coiffure, d’esthétique, une retoucherie, un théâtre et un restaurant ouvert à tous et non pas seulement aux résidents. « Notre établissement est tourné vers l’extérieur. On veut faire venir des gens qui n’ont a priori rien à y faire », confie Pascal Champvert.

« C’est une ville dans la ville », illustre Sylvain Berrios, l’édile de la commune, fier de « montrer qu’avec cet établissement, le service public est à la hauteur et est en mesure de faire ce qui est habituellement confié au privé« . 

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