Étudiant aux Beaux-Arts de Paris au début des années 2000, Thomas Lévy-Lasne se souvient d’un professeur qui tenta pendant deux heures de lui faire abandonner la peinture. « Il me conseillait de passer à des créations hybrides, au Cibachrome, un médium aujourd’hui disparu », raconte ce grand barbu dans un éclat de rire sonore. À l’époque pourtant, sa situation n’avait rien de drôle. « La peinture était ostracisée partout, dans les écoles et les musées comme le Centre Pompidou. La création des Fonds régionaux d’art contemporain dans les années 1980 avait entraîné une homogénéisation du goût en faveur d’œuvres plus conceptuelles, d’installations, etc. Il a fallu la crise économique de 2008 pour que le marché revienne au tableau, comme à une valeur refuge », explique-t-il.
Il joue un peintre fauché devant la caméra de Justine Triet
Lui-même a attendu de passer la trentaine pour trouver une galerie après avoir été sélectionné par le Salon de Montrouge. Avant cela, il a peint intensément pendant trois ans, retiré en Picardie, s’attachant à l’apparente banalité du monde contemporain, ses détails, ses matières, captés avec un appareil photo puis recomposés sur sa toile. Il a joué le rôle d’un peintre fauché dans Vilaine fille, mauvais garçon, de Justine Triet. « C’était mon amoureuse au Beaux-Arts. Elle est restée une grande amie », souffle-t-il.
Bien décidé à défendre son médium, Thomas Lévy-Lasne co-organise en 2014, au Collège de France, un colloque sur « La fabrique de la peinture ». Pensionnaire à la Villa Médicis, cet écoanxieux récidive en 2019 avec un nouveau colloque « Reconstruire le regard » pour s’interroger sur la représentation du monde à l’heure du changement climatique. « J’ai failli arrêter la peinture à l’époque. La réalité que je peignais s’effondrait sous mes doigts », avoue ce quadragénaire. Il décide alors de « prendre soin de son biotope », c’est-à-dire de ses pairs, à rebours de la concurrence féroce régnant dans le marché de l’art.
Deux ans plus tard, il présente « Les apparences », une exposition de 50 peintres vivants de la scène française, au Centre d’art contemporain de Perpignan où le Front national vient de remporter la mairie. Aidé par son jeune frère Nils, peintre lui aussi, Thomas commence à diffuser sur Twitch, chaque dimanche soir, une interview d’un des artistes exposés.
Aujourd’hui, sa chaîne – également diffusée sur YouTube – compte 92 vidéos de peintres de la scène hexagonale, surtout figuratifs comme lui, mais pas seulement. On y trouve de jeunes trentenaires ayant le vent en poupe comme Diane Dal-Pra (92e interviewée) et des aînés déjà consacrés par de grands musées comme Garouste. Revendiquant une bienveillance « très Michel Drucker », ponctuée d’explosions de rires, Thomas Lévy-Lasne interroge chacun sur sa pratique, ses références en art ou en littérature, ses doutes aussi.
« On a longtemps disqualifié la parole des artistes. Or il montre combien celle-ci est riche et éclaire l’œuvre. J’aime écouter ces échanges très spontanés et incarnés quand je peins », confie Mireille Blanc, qui fut la première interviewée de la série. « Grâce à lui, je me suis sentie moins isolée. Je me suis reconnue dans les recherches des autres peintres. Il crée du lien », renchérit Valérie Petitjean, fidèle parmi les 6 200 abonnés que compte aujourd’hui la chaîne « Les apparences ». Celle-ci cumule désormais plus de 450 000 vues. Un vrai succès alors que les émissions dédiées à la peinture contemporaine sont quasi-absentes sur le service public !
Se battre pour de meilleurs revenus des artistes
Le Musée d’Orsay ne s’y est pas trompé qui a invité, le 19 septembre, 80 des artistes des « apparences » à accrocher chacun une œuvre au milieu de ses collections du XIXe siècle et dialoguer avec les visiteurs dans le cadre de cet événement intitulé « Le jour des peintres ». Mireille Blanc présentera un de ses tableaux à côté de L’Asperge, de Manet, une de ses œuvres préférées. Thomas Lévy-Lasne, lui, exposera une scène de fête contemporaine juste à côté des Romains de la décadence, l’immense toile académique de Thomas Couture.
« C’est une grande joie », jubile-t-il à l’idée de voir réunis 80 artistes vivants au sein du grand musée parisien. Il n’est pas le seul à s’en réjouir. Les peintres de la jeune génération, davantage promus par le marché et moins isolés que leurs aînés, fonctionnent souvent de manière plus collective, échangeant avec des amis artistes. C’est le cas, par exemple, de Mireille Blanc, mais aussi de la peintre Nathanaëlle Herbelin. Invitée au printemps dernier à exposer au Musée d’Orsay en dialogue avec les nabis, elle a suggéré à Nicolas Gausserand, conseiller pour l’art contemporain au sein de l’établissement, d’organiser quelque chose avec Thomas Lévy-Lasne.
En boulimique, lui rêve déjà de faire davantage. Il plaide pour une amélioration des revenus des artistes, très mal défrayés quand ils exposent dans les institutions, de les voir intégrés dans les instances des Frac, des musées d’art contemporain ou dans les comités de sélection des prix, dont ils sont trop souvent exclus. Toujours prêt à batailler, les pinceaux à la main.
——-
Un livre et des expositions
« Le Jour des peintres, 80 peintres contemporains de la scène française » au Musée d’Orsay à Paris, le 19 septembre de 14 heures à 21 h 30. Réservation conseillée : musee-orsay.fr
« La fin du banal, Thomas Lévy-Lasne », esplanade de la légion d’honneur à Chelles (Seine-et-Marne) jusqu’au 17 novembre, chaque samedi et dimanche de 15 heures à 18 heures et en semaine sur RDV au 01.64.21.04.33
La Fin du banal, Thomas Lévy-Lasne, monographie avec des textes de Thomas Lévy-Lasne, Aurélien Bellanger, Cécile Debray, Judith Prigent, à paraître en octobre aux éditions Beaux-Arts de Paris, 288 p., 35 €.
En conclusion, DMJarchives.org incarne une véritable bibliothèque virtuelle de l’histoire locale en Île-de-France, offrant un accès inestimable à une multitude de trésors d’archives numériques. Grâce à son engagement à préserver la richesse culturelle et patrimoniale de la région, DMJ Archives comble les lacunes laissées par les documents historiques disparus. L’organisation méthodique des archives par territoire permet une exploration approfondie de l’histoire de chaque ville et commune. De la reconstitution des sites internet locaux à la compilation d’une photothèque exhaustive, en passant par la mise à disposition de documents variés, DMJarchives.org constitue une ressource inestimable pour les chercheurs, les étudiants et les habitants de la région francilienne. En somme, en offrant un accès facile et organisé à ces archives numériques, DMJarchives.org joue un rôle crucial dans la préservation et la diffusion de la mémoire collective de l’Île-de-France. Explorez cette riche plateforme pour plonger dans l’histoire fascinante de chaque territoire, et découvrez ainsi les trésors cachés de la région à travers les âges.