, Qu’est-ce que la Seine-Saint-Denis aura gagné aux Jeux

Qu’est-ce que la Seine-Saint-Denis aura gagné aux Jeux

, Qu’est-ce que la Seine-Saint-Denis aura gagné aux Jeux

Les Jeux olympiques et paralympiques devaient offrir à la Seine-Saint-Denis l’occasion de combler son important retard en infrastructures et autres équipements publics. Dans quelle mesure la promesse aura-t-elle été tenue après l’olympiade ?

Le département, dont le taux de pauvreté est le plus élevé de France métropolitaine, accueille la majorité des épreuves des JO et concentre près de 80 % des investissements publics portés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), soit près de 1,4 milliard d’euros.

Les organisateurs l’assurent : cette manne financière n’accouchera pas d’éléphants blancs comme ce fut le cas lors des éditions d’Athènes (2004) ou de Rio de Janeiro (2016). Celle de Paris 2024 laissera au contraire une partie majeure de « l’héritage » olympique à la population – 1,7 million de Séquano-Dionysiens –, en plus de l’effort consenti pour l’insertion, les petites entreprises et l’économie sociale et solidaire (ESS).

Les élus locaux, qui se sont emparés de ce contexte exceptionnel pour arracher un maximum d’investissements et tenter de redorer l’image du département, participent à cet accès d’optimisme.

Ainsi de Stéphane Troussel, président (PS) du conseil départemental, qui annonçait en mars des « transformations durables pour un cadre de vie plus vert, plus serein et plus équilibré ». Au risque, peut-être, de nourrir quelques illusions quant à l’ampleur de cet héritage.

« Les Jeux sont une réelle opportunité pour le département, mais ça n’aurait aucun sens de dire qu’ils vont régler tous les problèmes. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga du développement territorial », nuance Marie Delaplace, professeure émérite à l’université Gustave-Eiffel, spécialiste de l’aménagement urbain.

Une goutte d’eau en regard des besoins en logements

Le paysage sera tout d’abord transformé par les reconversions, à l’horizon 2025, de l’imposant village des athlètes à la croisée de Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Ile-Saint-Denis, et du village des médias à Dugny. Environ 4 000 logements neufs verront le jour, mais aussi 120 000 m2 de bureaux et de services ainsi que quatre groupes scolaires. Des quartiers pensés pour être autonomes et éviter l’écueil de la cité-dortoir.

Un quart seulement des 2 800 logements du village des athlètes doit intégrer le parc social

Une goutte d’eau, cependant, au regard des besoins du territoire tant la crise du logement y est criante. En 2022, la Drihl recensait 233 000 demandeurs de logements sociaux pour 10 633 attributions. Or, un quart seulement des 2 800 logements du village des athlètes doit intégrer le parc social, le reste étant vendu à des particuliers ou transformé en résidences spécifiques pour les seniors ou les étudiants, et en hôtels.

« Ces quelques centaines de logements reconvertis sont bons à prendre, mais ils ne vont pas régler la crise du logement, qui s’amplifie. Pour cela, la seule solution consiste à construire massivement de nouveaux logements sociaux », réagit Eric Constantin, directeur régional de la Fondation Abbé-Pierre, dont le dernier rapport dénonce, justement, l’absence de politique ambitieuse à ce sujet.

L’écoquartier du futur ex-village olympique, avec ses bâtiments à basse consommation d’énergie, ses espaces végétalisés et ses couloirs de « mobilité douce », risque en outre d’accélérer le processus de gentrification déjà à l’œuvre en Seine-Saint-Denis en attirant un public aisé, venu de l’extérieur.

C’est d’ailleurs l’évolution qu’a connue le village olympique de Stratford, à l’est de Londres, qui, après les Jeux de 2012, a été reconverti pour l’essentiel en appartements haut de gamme inaccessibles à la grande majorité des habitants de cette ancienne banlieue ouvrière.

Des transports à deux vitesses

Les paradoxes de l’héritage olympique se manifestent aussi dans les transports. Au-delà de la rénovation de routes départementales ou de la création d’une passerelle franchissant l’A1 pour les piétons et les cyclistes, le principal acquis de l’épisode olympique sera le prolongement de la ligne 14 du métro qui doit être achevé en juin.

Cette « épine dorsale » du Grand Paris Express reliera l’aéroport d’Orly, au sud de la capitale, au quartier Pleyel de Saint-Denis, près du village olympique. Il doit permettre d’acheminer les spectateurs jusqu’aux sites de compétition et, à terme, participer au désenclavement de la banlieue nord.

Nombre de projets structurants pour le territoire, comme les lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express ont pris du retard

Mais, dans le même temps, nombre de projets tout aussi structurants pour le territoire, comme les lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express, ont pris du retard. Une conséquence indirecte des Jeux, les moyens étant concentrés sur la ligne 14, plus stratégique. De même, les prolongements des lignes de tramway 1 et 8, exigés depuis des années par les élus et la population, sont passés au second plan.

Les récentes négociations autour du contrat de plan Etat-région (CPER) ont rappelé que le sujet des transports resterait entier une fois passées les échéances olympiques. A la suite de la forte mobilisation des élus, un protocole d’accord entre l’Etat et les collectivités a été trouvé le 20 décembre. A la clé, un milliard d’euros d’investissements pour le département afin d’étudier, notamment, le prolongement de plusieurs lignes de métro.

Un « hub » pour le handisport

Côté infrastructures sportives, les Jeux se contentent, là aussi, d’améliorer une situation très dégradée. Près d’une vingtaine d’équipements seront rénovés tandis que d’autres verront le jour, notamment plusieurs piscines qui ne compenseront qu’une partie du déficit en bassins du département.

Bobigny se démarquera en inaugurant, en juin, le Pôle de référence inclusif sportif métropolitain (Prisme), un « hub » du handisport unique en France, pouvant accueillir 1 500 à 2 000 sportifs.

De là à sortir le 93 de la dernière place du classement des départements en matière d’équipements parasportifs ? « Ce n’est pas sûr du tout », répond Dominique Charrier, maître de conférences à la faculté des sciences du sport de l’université Paris-Saclay :

« L’effort est loin d’être négligeable, les gros équipements ont été pensés pour être réutilisés par les habitants et les élèves, mais en quantité, on reste loin du compte tant le retard est important par rapport aux autres départements. »

Comme pour les autres volets du développement urbain, si le rattrapage olympique est indéniable, la Seine-Saint-Denis a encore beaucoup d’épreuves à affronter avant de se rapprocher des podiums.

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