, Notre-Dame de Paris, 12 novembre 1437 : pourquoi ce jour marque-t-il un tournant dans l’histoire de France

Notre-Dame de Paris, 12 novembre 1437 : pourquoi ce jour marque-t-il un tournant dans l’histoire de France

Le cérémonial de l’entrée royale dans les « bonnes villes » du royaume, union symbolique du souverain avec le peuple, trouva son expression accomplie au temps des Valois, qui régnèrent sur la France de 1328 à 1589. La plus prestigieuse de ces entrées, à la charge des cités, s’effectuait à Paris, à l’issue du sacre du roi célébré à la cathédrale de Reims. Venant de l’abbaye de Saint-Denis qui conservait les regalia du sacre, le cortège royal pénétrait dans la ville depuis la porte Saint-Denis pour gagner Notre-Dame où le roi renouvelait, en quelque sorte, le serment du sacre.

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Un dauphin en exil

Oint à Reims à l’âge de 12 ans mais placé, comme mineur, sous la tutelle de ses oncles régents jusqu’en 1388, Charles VI (1368-1422) n’avait pu cumuler sacre et entrée parisienne. Marqué par les accès de folie du monarque et par les luttes de pouvoir au sein de la famille royale entre les factions ducales rivales d’Orléans et de Bourgogne, le règne de Charles VI fut en outre confronté à la reprise de la guerre franco-anglaise.

Jean Fouquet, Portrait de Charles VII, roi de France, v. 1450-1455, huile sur bois, 85 x 70 cm, Paris, musée du Louvre.

Jean Fouquet, Portrait de Charles VII, roi de France, v. 1450-1455, huile sur bois, 85 x 70 cm, Paris, musée du Louvre.

La défaite d’Azincourt en 1415 devant l’armée d’Henri V d’Angleterre mit le comble au désordre. Trois ans plus tard, le prévôt Tanneguy du Chastel parvenait à exfiltrer de Paris, livrée aux factions, le jeune dauphin Charles, seul fils survivant de Charles VI et d’Isabeau de Bavière. Le 1er décembre 1420, l’entrée à Paris, au côté d’Henri V, de Charles VI, marquait la soumission du roi fou aux intérêts anglo-bourguignons, consacrée par le traité de Troyes (21 mai 1420) qui déshéritait le dauphin Charles au profit du roi d’Angleterre.

Du « roi de bourges » à Charles VII

Renié par ses parents mais hors d’atteinte des Anglais au sud de la Loire, le dauphin initia à Bourges un véritable contre-gouvernement loyaliste. Les décès, en 1422, du roi d’Angleterre Henri V à Vincennes, puis, à Paris, de Charles VI, ne modifièrent les cartes qu’en apparence. Le dauphin prit alors le nom de Charles VII. Du côté anglais, le duc de Bedford, nommé régent de France au nom du nouveau roi d’Angleterre Henri VI âgé de quelques mois, effectua en 1424 son entrée à Paris.

Atelier du Maître de Jacques de Besançon, Entrée de Charles VII à Paris le 12 novembre 1437, enluminure extraite de Martial d’Auvergne, Vigiles de Charles VII, 1484-1485, folio 93v, Paris, BnF.

Atelier du Maître de Jacques de Besançon, Entrée de Charles VII à Paris le 12 novembre 1437, enluminure extraite de Martial d’Auvergne, Vigiles de Charles VII, 1484-1485, folio 93v, Paris, BnF © BnF

Comme l’on sait, il revint à Jeanne d’Arc d’inverser le cours de l’histoire en délivrant Orléans, puis en conduisant Charles VII se faire sacrer à Reims. En réponse, Bedford fit couronner précipitamment le petit Henri VI à Notre-Dame de Paris le 16 décembre 1431, quelques mois après l’exécution de la Pucelle. La reprise de Paris aux Anglais ne devint cependant un objectif atteignable que lorsque Charles VII parvint à se réconcilier avec le duc de Bourgogne, dans le cadre du traité d’Arras (1435).

Jean-Simon Berthélemy, La Reprise de Paris sur les Anglais. Entrée de l’armée française le 13 avril 1436, 1787, huile sur toile, 383 x 262 cm, Paris, musée du Louvre.

Jean-Simon Berthélemy, La Reprise de Paris sur les Anglais. Entrée de l’armée française le 13 avril 1436, 1787, huile sur toile, 383 x 262 cm, Paris, musée du Louvre.

Peu après, des troupes fidèles à Charles VII dirigées par le connétable de Richemont et le capitaine Dunois s’emparèrent de plusieurs villes clés de la région parisienne. Par un audacieux coup de main, Richemont réussit à entrer dans la capitale le 13 avril 1436. Un Te Deum à Notre-Dame ainsi qu’une suite de processions organisées les jours suivants marquèrent le retour de la ville dans le giron français. En amont de Paris, la prise de la ville de Montereau par Charles VII lui-même, le 10 octobre 1437, leva les derniers obstacles à l’entrée du roi dans Paris.

L’entrée du 12 novembre

Charles VII avait fait connaître, dès la prise de Paris par Richemont, sa volonté d’amnistie en pardonnant « tant aux absents qu’aux présents ». Les corps constitués – prévôt royal, prévôt des marchands chargé de présenter les clés symboliques de la ville au roi, échevins qui allaient porter le dais au-dessus du roi, membres du clergé, de l’Université et du Parlement – vinrent accueillir Charles VII près de la porte Saint-Denis. Dans une ville pavoisée malgré la dureté des temps, le cortège suivit un parcours agrémenté de fontaines à vin et lait, et ponctué de représentations de mystères ou bien de scènes allégoriques pour se rendre, via la rue Saint-Denis, à la cathédrale Notre-Dame. Réunissant des centaines de cavaliers, la garde écossaise, des compagnies d’archers, des soldats ayant pris Montereau ainsi que des grands seigneurs et dignitaires, le cortège fut particulièrement acclamé au passage de Charles VII. Le roi était précédé du héraut d’armes et d’écuyers porteurs des insignes royaux : casque à couronne, épée et cotte d’armes.

Anonyme, Dosseret du dais de Charles VII, vers 1425-1450, tapisserie en laine et soie, 292 x 285 cm, Paris, musée du Louvre.

Anonyme, Dosseret du dais de Charles VII, vers 1425-1450, tapisserie en laine et soie, 292 x 285 cm, Paris, musée du Louvre.

Monté sur un cheval caparaçonné de velours bleu semé de fleurs de lys d’or tenu à la bride par Jean d’Aulon, compagnon de Jeanne d’Arc, le roi paradait à visage découvert mais en armure, signifiant ainsi à Paris son statut de ville autant conquise que libérée. En retrait du roi chevauchait, avec ses pages, le dauphin Louis, futur Louis XI, fils de Charles VII et de Marie d’Anjou, alors âgé de 14 ans. Suivaient Charles IV d’Anjou, comte du Maine, figure majeure du conseil du roi ; Jacques II de Bourbon, comte de la Marche ; le comte de Vendôme puis Richemont, son bâton de connétable à la main. En compagnie de lanciers, Dunois, dont l’armure portait un somptueux collier à feuilles de chêne d’or, fermait le cortège. L’arrivée devant Notre-Dame marquait l’instant le plus solennel. Grands abbés et membres du haut clergé se trouvaient sur le parvis. Charles VII ayant mis pied à terre, la porte de la cathédrale s’ouvrit pour laisser paraître l’évêque de Paris, Jacques du Chastelier, muni du livre des Évangiles sur lequel le roi allait renouveler le serment du sacre.

Le Maître d’Antoine de Bourgogne, détail d’enluminure montrant Paris et la cathédrale Notre-Dame en arrière-plan, extraite de Jean Froissart, Chroniques, vers 1470-1475, folio 317v, Paris, BnF.

Le Maître d’Antoine de Bourgogne, détail d’enluminure montrant Paris et la cathédrale Notre-Dame en arrière-plan, extraite de Jean Froissart, Chroniques, vers 1470-1475, folio 317v, Paris, BnF.

Après avoir embrassé les Évangiles puis la Croix et reçu l’eau bénite, Charles VII pénétra dans l’église au son des cloches et des cris de « Noël, Noël », poussés par la foule restée à l’extérieur. Le roi fit oraison devant la statue de la Vierge (sans doute différente de l’actuelle Vierge au pilier, provenant de la chapelle Saint-Aignan), puis accéda, au son d’un Te Deum, dans le chœur de la cathédrale pour vénérer les reliques. Malgré le caractère triomphal de cette journée, Charles VII, peu enclin à s’attarder dans une région encore peu sûre et ravagée par la guerre, repartit vers la Loire dès le 3 décembre, accompagné de Dunois. Le 7 novembre 1455, pour achever d’effacer le souvenir du couronnement d’Henri VI et marquer l’apaisement des factions, Notre-Dame de Paris accueillera encore la séance solennelle d’ouverture du procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, instruit par le cardinal Guillaume d’Estouteville, légat du pape. Isabelle Romée, la propre mère de Jeanne, y marquera les esprits par la ferveur de son témoignage.

Après les victoires finales de Formigny (1450) et de Castillon (1453) sur l’Angleterre, la mort (1461) de Charles VII au château de Mehun-sur-Yèvre (Cher) suivie de son inhumation à Saint-Denis allait ouvrir le règne de Louis XI. Quinze jours après son sacre, celui-ci effectuera, à son tour, le 30 août 1461, son entrée triomphale à Paris, de la porte Saint-Denis jusqu’à Notre-Dame.


Les protagonistes

Jean d’Orléans, comte de Dunois

Jean d’Orléans (1403-1468), dit le Bâtard d’Orléans puis comte de Dunois (1441), fils naturel du duc Louis d’Orléans et de ce fait cousin de Charles VII, devint l’un des chefs du parti loyaliste Orléans-Armagnac. Ancien compagnon de Jeanne d’Arc et présent au sacre du roi à Reims, il fut nommé grand chambellan en 1436, devenant membre de droit du conseil du roi. En cumulant le rôle de chef de guerre avec celui d’une sorte de représentant du souverain, « le beau Dunois » fut un pilier du règne de Charles VII durant lequel un seul moment d’égarement, lors la « Praguerie » (1440), soutenue par le propre fils du roi, vint entacher une vie d’honneur et de dévouement digne d’un preux.

Arthur de Bretagne, comte de Richemont

Arthur de Bretagne, comte de Richemont (1393-1458), fils et frère de ducs de Bretagne, fut voué par sa naissance à la carrière militaire. Ayant pris clairement le parti français en 1422, Richemont gagna la confiance de Charles VII qui le nomma, en 1425, connétable de France. Acteur majeur de la prise de Paris en 1436, Richemont participa avec succès aux campagnes d’Île-de-France, aidé par l’artillerie des frères Bureau, en prenant Meaux (1439) puis, en présence de Charles VII, Pontoise (1441). En 1450, il arracha, au côté du comte de Clermont, la victoire décisive de Formigny sur les Anglais avant de succéder, en 1457, comme duc de Bretagne, à son neveu Pierre II.

Charles VII

Devenu dauphin, c’est-à-dire héritier du roi, en 1417 à la mort de son frère aîné, ce fils de Charles VI incarna la lutte contre la domination anglaise en se proclamant régent (1418) puis roi de France (1422), avant que son sacre à Reims (1429) ne lui apporte une légitimée indiscutée face aux prétentions anglaises. Exerçant, au fil des ans, un pouvoir dégagé de l’emprise de personnages puissants de son entourage, Charles VII sortit vainqueur de tous les périls et gagna, dans la dernière partie de son règne, les surnoms de « Victorieux » et de « Bien servi ». Sur le plan institutionnel, il accomplit en outre une série de réformes qui ouvrirent le royaume à la modernité.



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