« Je ne fais pas un peu seul, là ? » Jordan Bardella a beau sourire, la question le taraude. À Saint-Denis, d’où il est originaire, le président du Rassemblement national (RN) contemple l’annexe du Stade de France, complexe sportif où se déroulaient ses cours d’éducation physique et sportive, au pied de la légendaire enceinte du Mondial de 1998. Puis prend la pose pour Paris Match sur la passerelle la surplombant, au-dessous de laquelle coule le canal.
Le Dionysien, tête de liste aux européennes pour la seconde fois, veut voir dans ce lieu « le symbole du passage entre deux Saint-Denis » : le premier, neuf, entourant le vénérable mastodonte de 80 000 places à proximité duquel se sont installées moult entreprises et dont les prix du foncier avoisinent désormais ceux de Paris ; le second, historique, où reposent les rois de France au cœur de la basilique et s’étend vers le nord. Bardella a grandi de ce côté-ci du cours d’eau, dans un HLM octroyé par « le député communiste Stéphane Peu, alors conseiller municipal » : « Il y a cinq ou six ans, je l’ai publiquement remercié sur un plateau de télé où je débattais avec lui. »
L’anecdote est connue. Le vingtenaire ne s’en lasse pas. Lui, le gosse des quartiers sensibles, le fils d’immigrés turinois venus en France dans les années 1960, le militant engagé en politique à seulement 16 ans, qui a abandonné sa licence de géographie en cours de route pour se consacrer pleinement à son parti, n’aurait pu offrir meilleur récit politique au RN. Le profil type de cette nouvelle génération de sympathisants, pour la plupart issus de la classe moyenne, peu diplômés, trop jeunes pour avoir connu les sorties de route fracassantes de Jean-Marie Le Pen ou la binarité de l’opposition bloc de l’Est-bloc de l’Ouest. Marqués par les attentats islamistes et les divers épisodes émeutiers, ils ont été séduits par la ligne nationale populaire impulsée par Florian Philippot et Marine Le Pen dès 2011.
Marine Le Pen a voulu tenter un coup en faisant monter la jeune génération
« Jordan est le fruit de la méritocratie de notre mouvement », s’enorgueillit le vice-président de l’Assemblée nationale Sébastien Chenu. Un apparatchik nommé en 2014 secrétaire départemental de Seine-Saint-Denis, alors qu’il n’a que 19 ans. Le plus jeune – déjà – à occuper ces fonctions au sein du parti. Puis, en 2018, à la tête de Génération nation, ancien nom de l’organe de jeunesse du RN, avant d’être propulsé, la même année, tête de liste aux européennes de 2019.
« En 2018, nous étions chez Marine Le Pen avec Steeve Briois [maire d’Hénin-Beaumont], Bruno Bilde [député], Louis Aliot [aujourd’hui maire de Perpignan], Philippe Olivier [eurodéputé, beau-frère et conseiller spécial de Marine Le Pen] et David Rachline [maire de Fréjus] pour trouver quelqu’un afin de mener bataille, se souvient Sébastien Chenu. Philippot et Maréchal étaient partis, Aliot était légitime mais député à une époque où il était compliqué pour nous de quitter l’Assemblée. Marine a voulu tenter un coup en faisant monter la jeune génération. Jordan travaillait bien, il avait une bonne gueule, il était le patron des jeunes. » Le début de la gloire pour Jordan Bardella, qui réussit même à attirer 500 000 électeurs de plus que Marine Le Pen en 2014. Viendront, dans la foulée du scrutin, une place de vice-président du mouvement, la présidence par intérim durant la dernière présidentielle avant d’être élu, avec près de 85 % des voix des militants, à la tête du parti fin 2022.
À l’écouter, Saint-Denis est tout à la fois une identité et un programme
Né en 1995 d’une mère Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) et d’un père « qui travaille dans l’entreprise de distributeurs de boissons de son meilleur ami », le jeune homme a grandi entre le Val-d’Oise et Saint-Denis – où sa mère et sa grand-mère vivent toujours – après la séparation de ses parents, lorsqu’il avait 1 an et demi. « Je passais la semaine chez ma mère et le week-end chez mon père », livre-t-il. Un père dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’il jouissait d’une situation financière plus enviable que son ex-femme. Bardella promet d’en dévoiler un peu plus dans l’ouvrage qu’il rédige, mélange difficilement cernable d’autobiographie et d’essai politique. Maintes fois repoussée, la parution est dorénavant prévue après les européennes.
« Je parle beaucoup de mon père dans le livre mais aussi beaucoup de la Seine-Saint-Denis », confie-t-il. Comme de son « premier confinement », l’assaut du Raid, le 18 novembre 2015, rue du Corbillon, contre le commando du 13 novembre d’Abdelhamid Abaaoud. Le domicile familial n’est qu’à quelques encablures : « On a été réveillés par des tirs à 5 heures du matin et on a été confinés jusqu’à midi. » À l’écouter, Saint-Denis est tout à la fois une identité et un programme : « Je défends l’idée qu’on peut être issu de ces quartiers sans devenir délinquant. Je dois à l’éducation de mes parents ce que je suis devenu. Chez moi, c’était strict, j’ai été élevé dans le respect. »
Au contraire de son cadre de vie : « La cité dans laquelle j’ai grandi était tenue par le trafic. Nous avions des dealers dans l’entrée, même sur notre palier. Encore aujourd’hui, ils prennent des canapés et bloquent les portes. L’environnement dans lequel j’ai grandi m’a donné, très tôt, un sentiment d’urgence. » Jusqu’à ce que sa prof d’économie, au lycée, transforme l’essai en intimant à ses élèves de s’enquérir des programmes présidentiels de 2012, afin d’en débattre en classe. « Elle nous a dit : “Le seul parti que je vous autorise à critiquer, c’est le FN.” Donc ça m’a donné envie de m’y intéresser. Puis j’ai vu le débat Mélenchon-Le Pen. J’ai adhéré le lendemain », lance-t-il, sourire de défi aux lèvres.
Le poulain de Marine Le Pen joue sans prise de risque, au point de paraître un brin fuyant
Douze années ont passé. Le RN s’est progressivement installé en position de principal parti d’alternance, envoyant notamment 89 – aujourd’hui 88 – députés à l’Assemblée en 2022. Déjà vainqueur lors des deux précédents scrutins européens, il domine largement les études d’opinion. Sans que sa tête de liste se fatigue outre mesure. Donné à plus de 30 % dans les sondages, Jordan Bardella mène une campagne aux airs de promenade de santé tant ses concurrents, macronistes en tête, peinent à passer le mur du son. Valérie Hayer n’est même pas certaine d’atteindre les 16 % et lutte avec Raphaël Glucksmann pour la deuxième place. Quand le poulain de Marine Le Pen joue sans prise de risque, au point de paraître un brin fuyant avec la presse ou vouloir esquiver le débat.
« Je n’évite rien, mais les journalistes qui passent leur temps à se moquer de vous pendant les off, c’est assez inélégant », griffe-t-il, avant d’évoquer un reportage de « Complément d’enquête » sur son compte, diffusé fin janvier, dont il n’avait pourtant pas grand-chose à craindre : « On a essayé pendant quelques mois de trouver des trucs sur moi. On a dit que j’étais une coquille vide. Le fait d’être en tête n’est pas évident. Aucune erreur ne me sera pardonnée, nous faisons de la politique dans une époque où les règles sont très dures et où la moindre faute peut déclencher une tempête. »
Bardella devance sa patronne dans les sondages : un hic aux yeux d’une poignée de cadres
En vérité, il suffit à Jordan Bardella de capitaliser sur sa notoriété, grandissante : plus d’un million d’abonnés sur TikTok, seul politique figurant au baromètre « JDD » des personnalités préférées des Français en 2023, premier chez les 18-24 ans (35 %, contre 32 % pour Gabriel Attal), selon une étude Ipsos datant de fin février… Un récent sondage Ipsos l’élève au rang de « meilleur opposant de droite ou d’extrême droite » aux yeux des interrogés.
Devant sa patronne. Un hic aux yeux d’une poignée de cadres, d’autant plus depuis que la députée du Pas-de-Calais a campé Jordan Bardella en position de futur Premier ministre. Jamais avare de flatteries à l’endroit du jeune homme, Emmanuel Macron tente d’exploiter le filon. Jusqu’à quand l’eurodéputé réussira-t-il à résister aux louanges et à la vanité ? « C’est toute la question », concède un proche de « MLP ».
Toujours à Saint-Denis, dans les allées du parc de la Légion d’honneur qui jouxte le lycée éponyme où il venait naguère pique-niquer avec ses condisciples, l’intéressé repousse de façon préventive toute question à ce sujet. « J’arrive à avoir beaucoup de distance avec tout ça. Ça ne me monte pas à la tête et, à 28 ans, ça ne doit pas me monter à la tête. » Sous les voûtes verdoyantes, Bardella se remémore son bac, « mention très bien », justement passé à la Légion d’honneur où, ironie du sort, se sont déroulées les Rencontres de Saint-Denis qui lui ont valu les éloges du président de la République. « Le destin des dauphins est parfois de s’échouer », disait Jean-Marie Le Pen de son second, Bruno Gollnisch. Dans un parti où le numéro deux fait le plus souvent office de fusible, la maxime deviendra-t-elle prophétie ?
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