Le Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) est en crise. Fondée en 1964, cette institution historiquement associative, qui abrite une collection exceptionnelle de plus de 1 000 pièces, risquerait de déposer le bilan en raison d’une coupe de ses subventions, s’alarme l’association des Amis du musée, qui le gère. Alors qu’une souscription nationale, soutenue par de nombreuses personnalités, a été lancée, la municipalité évoque de problèmes de gouvernance et de conservations des collections. 

Un musée en crise financière

Le manuscrit du poème Liberté de Paul Éluard, la dernière lettre de Guy Môquet, une poupée réalisée au camp de Ravensbrûck offerte à Geneviève de Gaulle placée à l’isolement en 1944, une arme d’un des membres de l’Affiche rouge… Labellisé Musée de France depuis 2022, la collection « la plus importante autour de la résistance française intérieure » connait une crise financière, alerte Fatih Ramdani, directeur administratif et financier des lieux. Plusieurs sources d’aide ont été coupées, créant une perte de 175 000 euros de subvention sur l’année 2024, soit 27 % de son budget total. 

Une situation symboliquement préoccupante, à la veille des commémorations des 80 ans de la Libération, et « à une période où les idées révisionnistes refont surface », souligne l’association dont la présidence est tenue par le fils de résistant Georges Duffau-Epstein.

Les dons des adhérents et les rentrées du musée ne suffisent plus à combler « la suppression de subventions municipales et territoriales ces dernières années », malgré de bonnes fréquentations. « L’activité n’a jamais été aussi florissante » relève Fatih Ramdani. Après un lancement difficile en 2020, au moment de l’épidémie de Covid, le musée a dépassé les 10 000 visiteurs en 2023, et a déjà enregistré plus de 8 000 entrées depuis janvier 2024. 

C’est pourquoi l’association a lancé une souscription nationale, soutenue par les filles de Robert Doisneau, la comédienne Ariane Ascaride, l’artiste Grand Corps Malade, l’essayiste Alain Minc ou encore le mathématicien Cédric Villani.

Des conflits de gouvernance

Cette coupe des subventions s’inscrit dans un contexte tendu au sein de la gouvernance du musée. En 2022, une crise interne déchire les équipes, cogérées par deux associations : celle des « Amis » et celle du MRN. Cinq plaintes pour harcèlement moral sont déposées contre le directeur, choisi par les deux associations pour remplir les missions de responsable scientifique du musée. C’est finalement l’association des Amis du musée qui reprend la main sur sa gestion.

En parallèle, un audit est réalisé par l’État en 2023. Le rapport d’inspection de la Direction régionale des Affaires culturelles (Drac) que nos confrères du Parisien avaient pu consulter préconise notamment de mettre en place une gouvernance de transition.

En avril 2024, une conservatrice missionnée par l’État prend la tête du musée en détresse. « Elle a neuf mois pour faire état des lieux des collections », précise Fatih Ramdani, qui assure que les équipes de l’association travaillent en bonne intelligence avec elle. Des discussions doivent ensuite être enclenchées pour décider de l’avenir du musée, qui pourrait passer d’un statut associatif à celui d’un groupement d’intérêt public (GIP).

« Des inquiétudes sur la pérennité des collections »

Contacté, Laurent Jeanne, maire (Libres !) de Champigny-sur-Marne, se montre rassurant quant à la pérennité de l’institution culturelle, mais sévère sur le bilan de l’association des Amis du musée de la Résistance nationale. « On a beaucoup d’inquiétudes, partagées avec la Drac, sur la pérennité des collections. Les équipes n’ont pas su anticiper l’évolution du musée, qui s’est étendu en volume. Il y a un vrai sujet sur la conservation de ce trésor national fragile. » 

Si l’association assure de son côté que le problème est en train d’être réglé et que toute l’équipe travaille à l’archivage des collections, la mairie estime que les pièces ne sont pas conservées dans de bonnes conditions. « Le récolement n’est pas fait, on ne sait pas exactement ce qu’on a, comment c’est classé. C’est un travail qui aurait dû être fait depuis des années. Les archives sont très fragiles, certaines sont avec des encres invisibles. Il faut tout scanner. »

Le maire confirme avoir versé une subvention à l’association MNR, avec qui le dialogue était plus ouvert, « pour préparer un travail majeur sur la Libération ». Elle ajoute : « La subvention n’est pas dûe ad vitam æternam, on est en droit de regarder comment les fonds sont utilisés, comment les collections sont traitées ». Un comité de pilotage doit se réunir à partir de juillet pour décider de la suite, et notamment de la transformation du statut associatif en GIP. 

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