, Le vote PCF, une Atlantide rouge (par Jérôme Fourquet, directeur de l’Ifop)

Le vote PCF, une Atlantide rouge (par Jérôme Fourquet, directeur de l’Ifop)

Grâce à la présence d’un large plateau d’artistes reconnus, le public va une nouvelle
fois affluer nombreux ce week-end à la 84 ème édition de la Fête de L’Humanité. Cet
évènement populaire, créé en 1930 pour accroître la diffusion du journal et collecter
des fonds pour les activités du Parti, fait office de butte-témoin d’un continent englouti, mais jadis très puissant : la France communiste.

Le PC contrôle encore des dizaines de mairies dans le pays et dispose d’un groupe de députés à l’Assemblée nationale. Mais lors de la dernière élection présidentielle, son candidat, Fabien Roussel, n’a recueilli que 2,4% des voix. En 1981, l’emblématique dirigeant du Parti, Georges Marchais, avait lui rassemblé 15,4% des suffrages. Si ce score était bien supérieur à l’étiage actuel du PC, il annonçait rétrospectivement le déclin historique de ce courant de pensée dans le paysage politique français (en 1969, Jacques Duclos avait obtenu 21,3% des voix).

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La carte ci-dessous, réalisée par Sylvain Manternach (1), nous permet de prendre la mesure de la puissance électorale et idéologique que représentait encore le PC au tout début des années 1980. L’analyse détaillée de cette carte fait ainsi apparaître la sociologie et la géographie singulières sur lesquelles s’appuyait à l’époque le Parti. Du fait des transformations socio-économiques très profondes qu’a connues la France au cours des quarante dernières années, ces soubassements ont été totalement disloqués et la description détaillée de cette carte s’apparente à un exercice d’archéologie sociologique et politique.

Le vote PCF, une Atlantide rouge (par Jérôme Fourquet, directeur de l'Ifop)

L’électorat communiste en 1981. Carte réalisée par Sylvain Manternach. (Crédits : ©LTD/SYLVAIN MANTERNACH)

La carte du vote Marchais en 1981 fait tout d’abord ressortir la France des mines et
des industries lourdes, qui étaient encore nombreuses à l’époque. Les bassins charbonniers apparaissent ainsi nettement sur la carte : Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, bassins de Decazeville dans l’Aveyron, Carmaux dans le Tarn, Alès dans le Gard, Gardanne dans les Bouches-du-Rhône ou bien encore La Mure en Isère, auxquels on peut ajouter les mines de fer de Lorraine et de Normandie (Potigny dans le Calvados) ou de bauxite à Brignoles dans le Var, fief des « gueules rouges », mais aussi d’autres activités extractives comme les carrières (bassin granitier de Dinand, carriers de la Creuse). Le charbon et le fer alimentaient les industries métallurgiques du Nord-Pas-de-Calais, des Ardennes, de Lorraine ou du Creusot, qui votaient puissamment communiste.

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Automobile, ports et gares

Le « parti de la classe ouvrière » disposait également de solides appuis dans d’autres régions marquées par la présence de l’industrie automobile (vallée de la Seine, Sochaux), les arsenaux (Tarbes, Tulle, Roanne, Bourges), la pétrochimie (Gonfreville l’Orcher en Seine-Maritime, l’étang de Berre, Dunkerque ou le couloir de la chimie au sud de Lyon), mais aussi par l’électrométallurgie et la transformation de l’aluminium permises par la houille blanche (2) dans certaines vallées alpines (Ugine, Tarentaise, l’Argentière-la-Bessée) ou des Pyrénées (Lannemezan, Auzat, Mercus); ou bien encore le textile (vallée de la Somme, région de Gérardmer dans les Vosges). Les grandes concentrations ouvrières de la banlieue parisienne (industrie lourde en Seine-Saint Denis, automobile dans les Hauts-de-Seine (3), mécanique dans le Val-de-Marne) constituaient l’ossature de la ceinture rouge enserrant la capitale.

Les ports avec leurs dockers et leurs chantiers navals (Le Havre, Saint-Nazaire, Marseille, La Ciotat, La Seyne-sur-Mer, Dunkerque ou Boulogne) faisaient également figure de citadelles rouges, tout comme les villes cheminotes. De Villeneuve-Saint Georges dans le Val-de-Marne à Port-de-Bouc dans les Bouches-du-Rhône, le tracé de la mythique ligne PLM (4) était jalonné par des gares de triage et des ateliers de réparation et d’entretien du matériel ferroviaire dans lesquels les cheminots étaient nombreux et votaient massivement pour le PC comme à La Roche-Migennes, Varennes Vauzelles ou Portes-Les Valences par exemple. On retrouvait le même phénomène dans d’autres villes cheminotes comme Longueau à côté d’Amiens, Saint-Pierre-des-Corps à proximité de Tours ou Fleury-les-Aubrais en périphérie d’Orléans.

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Agriculteurs et éleveurs

Dans ces communes cheminotes, minières ou ouvrières, le PC pouvait compter sur le maillage omniprésent d’une CGT qui rassemblait 50% des voix dans la section industrie lors des élections prud’homales de 1982. Ces effectifs ouvriers fournissaient des électeurs au Parti, mais celui-ci y recrutait également ses militants et de nombreux cadres, qui une fois formés, prenaient du galon dans l’appareil ou devenaient maires, conseillers généraux voire députés dans ces régions. Cette promotion des militants issus de la base renforçait encore davantage l’osmose entre le PC et la population de ces bassins industriels. On retrouvait le même phénomène dans un tout autre environnement : celui des campagnes pauvres. Dans plusieurs régions, l’audience du PC était en effet forte dans une petite paysannerie ou dans des milieux comme les ouvriers agricoles ou forestiers (résiniers des Landes, bûcherons du Morvan etc).

Le Centre-Bretagne en constitue l’illustration paroxystique. Sur un terreau déchristianisé et économiquement très pauvre, le PC s’était implanté précocement dans les populations de petits agriculteurs et d’éleveurs des monts d’Arrée et la Montagne noire. On retrouve le même phénomène dans la montagne limousine, le Périgord, l’Indre ou le bourbonnais dans l’Allier. Mais les terroirs d’élevage ou de polyculture sur des petites exploitations ne constituaient pas les seuls points d’appui de ce que l’on a appelé le communisme rural. Le petit peuple des vignes et des coopératives viticoles votait aussi massivement pour le PC dans le Midi rouge, qui courrait du Roussillon au Var en passant par l’Aude, le Biterois et le Gard.

Les petits producteurs de fruits et légumes des Pyrénées-Orientales, du Gard et du Vaucluse étaient nombreux à voter pour le PC. C’est d’ailleurs pour conforter cette clientèle électorale qu’au début des années 1980, le Parti fit activement campagne dans ces régions contre l’entrée dans l’Union européenne de l’Espagne, grand producteur de fruits et légumes et de vin. On retrouve à peu près la même sociologie et base sociale rurale et agricole dans l’ouest du Lot-et-Garonne (région de Marmande), qui fut le fief de Renaud Jean, figure du communisme rural. Les militants du Modef, syndicat agricole proche du PC et le journal La Terre, entretenaient également l’audience du Parti dans les terroirs pauvres et montagneux comme l’Ariège, les Cévennes, le Haut-Var, le sud des Alpes sans oublier l’Ardèche, chère à Jean Ferrat.

L’existence d’une paysannerie modeste et de salariés travaillant dans de petites industries rurales, mais aussi l’empreinte laissée par les FTP durant la guerre (à l’image par exemple du maquis animé par Georges Guingouin en Limousin) ont offert une puissante assise au PC dans ces campagnes rouges. L’exode rural et la disparition de la petite paysannerie dans ces régions, tout comme la fonte drastique des effectifs ouvriers dans la France industrielle et minière ont bouleversé de fond en comble le substrat sociologique sur lequel le PC a vécu jusqu’au début des années 1980. Revisiter la carte du vote Marchais en 1981 permet de prendre conscience de l’ampleur des transformations sociologiques que le pays a connues en une quarantaine d’années seulement et de redécouvrir cette Atlantide rouge, aujourd’hui engloutie.

1. A partir des précieuses données mises en ligne sur le site https://www.unehistoireduconflitpolitique.fr/

2. L’hydroélectricité.

3. L’usine Citroën du quai de Javel fermera à la fin des années 1970, celle de Levallois-Perret (où était fabriquée la 2CV) en 1988 et l’usine Renault-Billancourt seulement 1992.

4. Paris-Lyon-Marseille.

Source

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