

Les auteurs du livre French corruption (Stock, 310 p., 19 euros), Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ont répondu aux questions de nos internautes sur leur ouvrage, qui propose une plongée dans les coulisses de la vie politique française de ces cinquante dernières années.
Au cœur de ce récit, le témoignage de Didier Schuller, ancien conseiller général (RPR) de Clichy-la-Garenne, qui s’est longtemps tu, y compris devant la justice. Il raconte les malversations dont il fut le témoin ou l’acteur : conflits d’intérêts, financements illicites, enrichissement personnel… De Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy en passant par Patrick Balkany, les personnalités mises en cause sont nombreuses, essentiellement de droite.
Alexandre : Comment est-il possible qu’un tel « système » de corruption puisse perdurer depuis si longtemps ?
Gérard Davet et Fabrice Lhomme : Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, il ne faut pas oublier que les Hauts-de-Seine sont, depuis les années 1960, le coffre-fort de la droite. Ensuite, il y a eu pendant longtemps la permissivité de la justice. Et enfin, la loi du silence, que notre témoin principal, Didier Schuller, a accepté de briser après quarante ans de vie politique.
José : Didier Schuller est-il une source fiable selon vous ?
Il faut bien savoir que dans le domaine de l’investigation, on rencontre rarement des sources parfaites d’un point de vue moral. Ceci dit, oui M. Schuller est crédible. Nous avons vérifié tout ce qu’il nous a dit, recoupé tant que nous le pouvions. Enfin, élément essentiel, a-t-on déjà vu une source non crédible s’accuser elle-même, ce qui est le cas en l’occurrence.
Dernier point : notre livre ne se résume pas aux déclarations de Didier Schuller, puisqu’elles sont complétées et confortées par nos propres investigations.
Anonyme : Qu’est-ce qui incite aujourd’hui Didier Schuller à parler ? On a peine à croire à une crise de conscience. Se sent-il « lâché » par ses anciens protecteurs ?
Il se sent effectivement lâché depuis son retour en France en 2002. C’est aujourd’hui un homme de 66 ans qui veut, comme il le dit lui-même, « laver son honneur ». Il a menti pendant des années, il s’est déçu lui-même. Il veut maintenant conquérir une mairie, celle de Clichy-la-Garenne, sans autre ambition que celle de mener une campagne propre.
Kenzo : Patrick Balkany a l’air d’être au milieu de toutes les affaires ? Quel est son rôle exact dans tout ça ?
Patrick Balkany est au cœur du système que nous décrivons en détail dans notre ouvrage. Effectivement, le concernant, nous avons réuni à la fois des documents et des témoignages embarrassants qui montrent que ce député, ami de Nicolas Sarkozy, a fait fortune dans des conditions éminemment suspectes.
De quelle protection a pu bénéficier M. Balkany pour avoir jusqu’à présent échappé à la justice ?
On peut revenir sur le passage tourmenté du procureur Philippe Courroye, autre proche ami de Nicolas Sarkozy, à la tête du parquet de Nanterre entre 2007 et 2012. Très peu d’élus de l’UMP ont été mis en cause, et même Mme Balkany, qui aurait pu être poursuivie dans un dossier lié au conseil général, a été inexplicablement épargnée par la justice. D’autre part, M. Balkany est une personnalité extrêmement influente dans les Hauts-de-Seine. C’est un homme qui intimide beaucoup de gens. Ce qui explique sans doute que pendant si longtemps, les langues ne se soient pas déliées.
Clio : Avez-vous la preuve que Nicolas Sarkozy a un compte en Suisse ?
Nous n’avons effectué aucune démonstration dans ce livre concernant cet éventuel compte de M. Sarkozy. Nous avons, en quelque sorte, enquêté sur l’enquête qui portait sur d’éventuels avoirs occultes de M. Sarkozy à l’étranger. Nous avons établi des liens entre autres avec le sulfureux banquier Jacques Heyer et recueilli de nombreux témoignages troublants. Nos investigations méritent d’être examinées dans le détail et, sur ce point, seule la lecture du livre permettra à chacun de se faire une opinion.
Notre objectif est aussi de montrer à quel point magistrats, policiers et journalistes ont tenté, durant toutes ces années, d’établir l’existence d’un compte de M. Sarkozy à l’étranger dont, ainsi que nous le rappelons dans notre ouvrage, la réalité n’a jamais été établie.
Dan B : Avez-vous fait l’objet de pressions importantes en amont de l’édition de ce livre ? Si oui, d’où venaient-elles ?
Nous avons pris toutes les précautions nécessaires. Nous rappelons que l’un d’entre nous a fait l’objet d’écoutes téléphoniques à plusieurs reprises et que nous avons été victimes tous les deux de cambriolages suspects. C’est pourquoi nous avons gardé le secret sur ce livre jusqu’au bout.
Visiteur : Où en est-on aujourd’hui ? Les pratiques perdurent elles ?
Julien : Quels sont aujourd’hui les « modes » de la corruption ? S’agit-il toujours de fausses factures et d’emplois fictifs ou de nouvelles méthodes ont-elles émergé ?
Ce qui est frappant, d’après les investigations que nous avons menées, c’est que les bonnes vieilles méthodes du passé, à savoir les valises de billets, sont, depuis quelques années, à nouveau privilégiées par les corrupteurs de tous poils. Beaucoup d’achats en liquide sont ainsi relevés par les enquêteurs dans différents dossiers, en particulier dans les Hauts-de-Seine. Simplement, la Suisse n’est plus l’Eldorado qu’elle a été.
Nicolas : N’avez-vous pas l’impression que Didier Schuller se sert de vous, journalistes, pour atteindre Patrick Balkany, son grand obstacle sur la route de la (re)conquête de Clichy ?
Son principal obstacle pour reconquérir Clichy, c’est le maire en place, le socialiste Gilles Catoire. Par ailleurs, Didier Schuller ne fait pas mystère de sa volonté de purger son passé en s’exprimant publiquement dans un livre afin de pouvoir se présenter comme un homme neuf devant ses électeurs.
Boddisatva : Avez-vous pu consulter le dossier judiciaire des HLM des Hauts-de-Seine ? Ce qu’on en tire du personnage Schuller est quand même édifiant, non ? Avez-vous interrogé le fils Schuller, qui avait lui-même balancé son père au moment de sa cavale ? Savez-vous ce qu’il est devenu ?
Nous avons consulté l’intégralité du dossier des HLM des Hauts-de-Seine, dans lequel nous avons découvert des éléments jamais révélés publiquement et qui, parfois, avaient été négligés par l’enquête. Par exemple : l’existence avérée du compte suisse de M. Balkany.
S’agissant du fils de Didier Schuller, nous ne l’avons pas interrogé. Son témoignage n’aurait sans doute rien apporté d’intéressant car il n’était pas au courant des affaires de son père. Par ailleurs, c’est un personnage fragile.
Anis Bekkouch : Pourquoi ce livre n’a-t-il pas englobé tous les partis politique ?
Florent : Est-ce que l’on peut généraliser ce niveau de corruption à toutes les familles politiques françaises, ou est-ce une spécialité de la droite exclusivement (hors cas locaux exceptionnels) ?
S’il avait fallu faire une encyclopédie de la corruption, nous aurions encombré les librairies. D’autres part, ce livre est construit autour d’un fil rouge qui est la destinée de Didier Schuller. Cet homme a été pendant plus de quarante ans le témoin et la cheville ouvrière d’un système de corruption qui, en l’occurrence, a essentiellement profité au RPR.
Il faut bien noter qu’à cette époque-là, nombre de partis du PS au PC, en passant par le RPR, ont été impliqués dans les affaires de corruption et de financement illégal. Les règles en vigueur étaient floues et chacun en profitait au mépris de la morale et parfois de la loi. Nous nous méfions des généralités et refusons de souscrire au « tous pourris ». Il y a, heureusement, une majorité d’hommes et de femmes politiques honnêtes.
Dan B : Ce que vous sous-entendez à propos de Courroye – à savoir son inertie à poursuivre les « amis du clan », voire les adhérents UMP – est assez grave… Avez-vous réellement enquêté sur ça ?
Ce que l’on dit sur le procureur Courroye est de notoriété publique : il a été l’objet d’un rapport administratif incendiaire, et il doit être jugé les 14 et 15 novembre par le Conseil supérieur de la magistrature dans l’affaire d’espionnage des journalistes du Monde. Sa gestion de l’affaire Bettencourt, comme celle de l’appartement de Nicolas Sarkozy, a été, à juste titre, critiquée à de nombreuses reprises.
Louboutin : Pourquoi avoir choisi ce titre, French corruption ?
En hommage évident à l’excellent film French connection de William Friedkin, avec le non moins remarquable Gene Hackman. Ce film raconte l’histoire d’un clan qui trafique de la drogue. Notre livre raconte celle d’un clan qui trafique l’argent.
Thomas de Sola : Est-ce que Balkany est intouchable malgré les choses qui lui sont reprochées ?
Paul : Quelles répercussions imaginez-vous après la sortie de votre livre ? En particulier après les événements récents ?
Personne n’est intouchable. Du moins, nous l’espérons. Nous ne savons pas ce que vont devenir nos révélations. Peut-être la justice s’en saisira-t-elle, peut-être pas. Mais ce n’est pas notre souci. Notre seule vocation est de mettre sur la place publique des informations d’intérêt général, et il nous semble que celles-là le sont.
Nicolas : On parle beaucoup de Balkany, mais qu’en est-il de Charles Pasqua ? Etait-ce lui le vrai parrain des Hauts-de-Seine ?
Charles Pasqua est bien entendu un personnage omniprésent dans notre ouvrage car il constitue une personnalité incontournable dans le département. Toutefois, le concernant, notre enquête n’a pas permis de réunir d’éléments laissant penser qu’il aurait pu détenir des fonds occultes à l’étranger, par exemple. D’ailleurs, Didier Schuller, sur ce point, reconnaît à l’ancien ministre de l’intérieur de nombreuses qualités, notamment le fait de ne pas être un homme d’argent.
Fab : Tant de livres sur les scandales des politiques, pour combien de condamnés ? Pensez-vous que les choses changent sur ce point en France ?
Non. La meilleure preuve en est que nous avons, cette année aussi, publié un livre qui s’intitule « L’Homme qui voulut être roi », aux éditions Stock, consacré à l’actuel président de la Polynésie française, Gaston Flosse. Nous décrivions ses diverses turpitudes, ce qui n’a pas empêché sa réélection dans un fauteuil. A cet égard, c’est un constat d’échec.
DMJ Archives : Préservation de l’histoire locale en Île-de-France
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